Extraits
Quelques histoires que j’ai eu la chance d’écrire
Chaque livre est différent.
Certains racontent des enfances bretonnes, d’autres des aventures d’entrepreneurs, des voyages, des transmissions, des renaissances.
Voici quelques extraits de projets que j’ai eu la chance d’écrire.
Ils vous donneront une idée du ton, du style, et surtout de l’émotion qu’un livre peut contenir.
Mais gardez une chose en tête : chaque voix est unique.
Mon travail, c’est de m’adapter à la vôtre, pas de la faire rentrer dans un moule.
Jérôme Fortineau - Réversible, j'ai guéri sans permission
L’histoire d’un ingénieur sportif confronté à l’arthrose, et de sa métamorphose.
“À 54 ans, son corps s’est mis à grincer. Il a cru que c’était la fin, c’était le début”
Extrait - Réversible, j'ai guéri sans permission
L’illusion du cabri
Juillet 2022 – Île de Bréhat
— Tu boites, Jéjé.
La voix de Valérie me frappe en plein élan. Je m’arrête net sur le sentier, un pied encore suspendu au-dessus d’une racine. À côté de nous, les ajoncs dorés se balancent sous le soleil de juillet.
— Pardon ?
Val me regarde avec cette franchise qui ne nous a jamais quittés depuis nos dix-sept ans. Ses yeux bleus plissés par le soleil ne mentent pas. Elle renchérit sans se démonter.
— Tu boites. Depuis qu’on a quitté le port.
Tout autour, le paysage de Bréhat déroule sa carte postale parfaite. Nous avions décidé de cette escapade sur un coup de tête, fin juin, Anne-Cé et moi avec nos deux couples d’amis. La petite navette nous avait déposés sur ce caillou magique où les voitures n’existent pas, où les maisons semblent sorties d’un conte breton. Je pose le pied, me retourne vers Val, comme si cela allait donner plus de poids à ma réponse.
— Mais non, je ne boite pas !
Ma voix sonne faux, même à mes oreilles.
Anne-Cé se rapproche, intriguée. Derrière elle, Bénou range son smartphone – elle vient de mitrailler une maison aux volets bleus, typique de l’île. Lolo et Steph marchent déjà plus loin, avec cette insouciance masculine qui ignore les signaux faibles. Elle pose sa main sur mon bras. Avec ce geste tendre de femme qui partage ma vie depuis plus de trente ans.
— Si, Jérôme. Maintenant que Val le dit…
Elle m’observe comme si elle me découvrait. Comme si, à force de me voir tous les jours, elle avait cessé de me regarder vraiment. Bénou nous a rattrapés, son sourire habituel aux lèvres. Mais quand elle me voit, quelque chose vacille dans son expression.
— Oh… effectivement. La jambe gauche, non ?
Trois femmes. Trois regards. Trois confirmations.
Un silence étrange s’installe. Comme si l’île retenait son souffle.
— C’est sûrement ce vieux genou. Depuis mon deuxième marathon, j’ai toujours un peu mal quand je marche longtemps. Les séquelles de mes années de hand !
Je me force à rire, ce rire un peu trop fort qu’on sort quand on veut changer de sujet, avant d’ajouter.
— Allez, on y va. On n’est pas venus ici pour jouer aux médecins.
Et Lolo d’ajouter, comme s’il voulait m’aider à me sortir de cette discussion :
— Je vous parie une pinte que je serai le premier en haut !
Un défi que je me suis empressé de relever.
Je m’élance dans le sentier comme un cabri sous infiltration. Et pendant dix mètres, je fais illusion. Mes jambes retrouvent leur rythme d’avant, mes poumons s’adaptent, je double même un couple de retraités qui peine sur les pierres roses de Bréhat.
Le tracé se fait maintenant plus raide. Normal. C’est le moment où les promeneurs du dimanche commencent à souffler, à ralentir. Mes chaussures de rando mordent le chemin caillouteux avec envie. Cinquante-quatre ans, déjà deux marathons à mon actif, et la forme olympique. Je rattrape Lolo qui s’extasie devant un muret de pierres sèches.
— Alors, mon Jéjé, toujours en forme ? Tu nous refais ton numéro de chamois des montagnes ? me lance-t-il, essoufflé.
Je souris. Voilà. Ça, c’est moi. Toujours dans le défi.
— Oui, en pleine forme !
*Mais quelque chose cloche. Je cherche la gêne, comme on tâte une dent qui fait mal. Ce n’est pas une douleur. Non, rien d’aussi net. Plutôt une… résistance. Comme si ma jambe gauche négociait chaque pas avec le reste de mon corps. Une hésitation imperceptible, un décalage de tempo. ***Et si Val avait raison ? Je dois bien avouer que, depuis quelques semaines, je sens bien que quelque chose n’est pas comme d’habitude. Mes pas ne sont pas aussi assurés qu’avant, mes appuis moins fermes. Cette randonnée, qui aurait dû être une promenade de santé, me demande plus d’efforts que prévu. Pour la première fois de ma vie, je ne mène pas la danse, et pire : je m’entête à le nier comme un ado qu’on surprend à fumer. Mais de là à dire que je boite…
Nous atteignons l’une des nombreuses pointes rocailleuses de l’île. Le panorama s’ouvre sur un océan d’un bleu turquoise parsemé d’îlots rocheux. Je m’assieds sur un rocher, jambes étendues. Soulagement immédiat. Étrange. D’habitude, après une heure de marche, je pourrais encore grimper des heures. Qu’importe, l’ambiance est plutôt au pique-nique qu’à l’exploit sportif. Nous retournons au village faire quelques courses avant de savourer un encas bien mérité face à la mer. Sur la plage, Stéphane sort les huîtres du panier, Lolo débouche le petit blanc avec cette gestuelle précise des rituels entre amis.
— À Bréhat !
Nous trinquons. Le vin est frais, les huîtres parfaites. Le soleil caresse nos visages. Val raconte ses dernières aventures professionnelles, Bénou nous montre ses photos. Anne-Cé, silencieuse, m’observe du coin de l’œil. Tout devrait être parfait. Mais je n’arrive pas à me défaire de cette conscience nouvelle de mon corps. De ce déhanchement léger que je sens maintenant à chaque mouvement.
Après une courte sieste sous les arbres, nous reprenons le chemin en sens inverse. L’après-midi file dans cette douceur de vivre que nous cultivons depuis des années. Le sentier serpente entre les ajoncs et les hortensias bleus. Nos amis ont retrouvé leur bavardage léger, mais je sens peser sur moi des coups d’œil furtifs. Anne-Cé marche à ma hauteur, sans rien dire. Elle connaît mes silences. Et alors que Steph et Val mentionnent leurs prochaines vacances en Bretagne à base de randonnées, au fond de moi, une petite voix insidieuse murmure : et toi, Jérôme ? Tu vas pouvoir encore les faire ces randos que tu aimes tant..? Je chasse cette pensée comme on chasse une mouche. Ridicule. Je suis en pleine forme. Un petit épisode de raideur, ça arrive. Le stress du boulot, peut-être. Le manque de sport ces derniers temps.
— Eh bien, dis donc !
C’est le retraité croisé plus tôt qui rapplique en soufflant comme un vieux bœuf dans une montée. Sa femme le suit, rouge tomate, mais vaillante.
— Vous, vous devez faire du sport ! poursuit-il en pointant mes mollets. Moi, à votre âge, je courais encore. Maintenant… – Il se tape le ventre. – Fini, tout ça ! Le dos, les genoux… On n’a plus vingt ans.
— Il faut écouter son corps, glisse Anne-Cé doucement.
Les mots sortent de ma bouche avant que j’aie le temps de les retenir :
— Ou alors, il faut lui dire qui commande !
Le rire qui suit est trop fort, trop franc. L’homme rit jaune, sa femme sourit poliment. Anne-Cé me jette un regard que je fais semblant de ne pas voir.
*Le soleil décline, dorant les façades des maisons. Je marche en queue de groupe, officiellement pour profiter du paysage. Officieusement, pour que personne ne remarque ce léger déséquilibre qui s’est installé dans ma démarche. ***Je prends une pause stratégique près d’un muret en granit. Le genre de pause qu’on camoufle derrière un « regardez cette lumière sur les rochers, c’est fou non ? ». Je pose la main sur ma jambe. Comme pour l’apaiser. Je n’avais pas prévu d’écouter les réponses mais, de toute façon, les autres ne se sont pas arrêtés. Je suis seul avec ma fierté en sueur et cette gêne muette qui monte de l’aine comme une menace discrète. Comme un petit marteau qu’on entendrait taper très loin dans une cave.
Toc. Toc.
Pas encore insupportable. Mais là. Présente. Patiente. Et moi, toujours debout, toujours fier, toujours menteur en reniant cette première faille dans l’illusion du cabri qui bondit de rocher en rocher.
De retour sur le continent, accoudé à la rambarde, je regarde les paysages bretons où j’ai découvert que mon corps pouvait mentir. Ou plutôt, que moi, je pouvais me mentir sur mon corps. Val me rejoint juste avant le temps sacré de l’apéro
— Tu sais, Jéjé, il n’y a pas de honte à…
— À quoi ?
— À écouter ce que ton corps te dit.
Je ne réponds pas. Le cri des mouettes couvre nos voix. Mais elle n’a pas tort. Seulement, je ne suis pas encore prêt à entendre ce que le mien murmure.
Derrière nous, Bénou fait défiler les photos de la journée : une glycine poussant dans un muret, un portail en bois bleu, un chat endormi sur un sentier. J’entends Anne-Cé qui chuchote avec elle, leurs voix se mêlent au bruit des vagues contre les rochers sans que je puisse les distinguer.
Anne-Cé regarde les photos que fait défiler Bénou sans vraiment y prêter attention. Elle finit par lâcher :
— Je m’inquiète pour Jérôme. Il nie tout. Même à lui-même.
Le vent emporte leurs mots, mais pas leur inquiétude. Il flotte autour de moi comme un parfum tenace. Celui de la vérité qu’on refuse encore de regarder en face.
🕰️ 8 séances – 200 pages – imprimé en 2025 Biographie romancée – Récit d’une épreuve
Retrouvez son livre ICI
Marie - De la ferme au fournil
Une vie de campagne, simple et courageuse. Le roman d’une femme qui a traversé le siècle, un pain après l’autre.
Ce livre, c’était un cadeau de ses petits-enfants. Aujourd’hui, il trône sur le meuble du salon, entre les cadres photos et les fleurs séchées. On le feuillette quand la maison se tait.
Extrait - De la ferme au fournil
Nichée à quelques encablures du golfe du Morbihan, la commune de Kervignac m’a accueillie en ce monde le 12 mai 1937. Je suis née un matin de mai dans ce village ancré dans les terres bretonnes. C’était un monde simple, où le temps se mesurait à la lumière du jour et aux saisons qui tournaient lentement. Ma famille vivait au hameau de Kermoulin, une petite ferme sans prétention, comme tant d’autres à l’époque. On s’y levait tôt, on travaillait beaucoup, on riait parfois. Les enfants couraient dans les champs, pieds nus ou presque, pendant que les adultes s’occupaient de la terre et des bêtes, le front perlé de sueur sous le soleil breton.
Le hameau comptait deux autres familles. Trois maisons, c’était déjà une communauté. Le soir, les voix se mêlaient autour du feu, entre silences et souvenirs échangés. Chacun portait ses fatigues, mais personne ne restait seul. Les visages, marqués par la vie, en disaient souvent plus long que les mots. On savait se serrer les coudes. Une force discrète, mais indispensable, surtout pour les années à venir.
Quand la guerre a éclaté, je n’étais qu’un bébé. Trop jeune pour comprendre ce qui se passait, trop petite pour garder en mémoire les images de cette période. Et c’est peut-être mieux ainsi. On m’a raconté des choses, bien sûr, mais dans ma tête, c’est le flou. Un bruit sourd, lointain, qui a bercé les premières années de ma vie. En 1945, la guerre touchait à sa fin. J’avais huit ans. Pour moi, c’était le monde tel qu’il avait toujours été. Je ne savais pas que la peur, les privations et les absences n’étaient pas la norme. Les adultes parlaient bas. Les enfants, eux, grandissaient dans ce silence tendu sans pouvoir le nommer. C’était comme ça.
C’est plus tard que j’ai compris l’ampleur des dégâts. J’ai découvert ce que notre commune avait traversé. Kervignac avait payé un lourd tribut durant les derniers mois de la guerre. D’août 1944 à mai 1945, le bourg a subi un déluge de milliers d’obus, transformant les rues en champs de ruines. Le clocher de l’église, symbole de notre village, s’est effondré le 10 novembre 1944, sous les regards impuissants des habitants. Quarante-neuf morts. Des civils, des soldats. La guerre ne choisissait pas.
Pendant l’occupation, les Allemands pillaient nos maisons et s’emparaient de nos animaux. Parfois, ils s’installaient dans les fermes, les granges et les habitations, transformant nos foyers en quartiers généraux improvisés. L’ombre de leurs uniformes planait sur chaque recoin du village, semant la peur et l’incertitude. Même après la libération, certains bâtiments demeuraient réquisitionnés pour garder les prisonniers allemands capturés par les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI). Certains murs, témoins malgré eux de ces temps troublés, portaient encore les stigmates de l’occupation, tandis que la vie tentait de reprendre son cours, avec quelques cicatrices.
7 séances – 145 pages – imprimé en 2024
Biographie romancée – Récit familial
Société Calus (nom modifié)
Une idée audacieuse dans les années 50 et les 70 ans qui ont suivi. Ce livre est le récit d’une épopée entrepreurial et familiale
Extrait - Société Calus
Printemps 1956
Marcel Calus pose le rouleau sur le comptoir. Quinze mètres de revêtement lino, couleur moutarde.
Le genre de chose que personne ne connaît encore à Laval. Le genre de chose qui va tout changer.
— C’est quoi, ça ? Germaine tourne autour du rouleau comme si c’était un animal exotique. Elle vient de fermer l’atelier de menuiserie où Marcel a passé dix ans à raboter du chêne. Dix ans à gagner correctement sa vie. Dix ans de sécurité.
— C’est l’avenir.
— Ça ressemble à du caoutchouc.
— C’est du lino. Un revêtement de sol souple. Ça vient d’Amérique. Facile à poser, résistant, pas cher.
Germaine croise les bras.
— Et tu veux faire quoi avec ça ?
— Le vendre. En faire notre spécialité. Le silence tombe dans la boutique vide.
Dehors, Laval se reconstruit doucement après la guerre. Les chantiers poussent partout. Le bâtiment explose.
Et Marcel veut vendre du lino couleur moutarde.
— Tu es menuisier, Marcel.
— J’étais menuisier.
— On a deux enfants. Un crédit sur la maison. L’atelier marche bien.
— L’atelier marchait bien. Le marché change, Germaine. Les gens veulent du moderne, du pratique. Pas du parquet qui craque.
Elle le regarde, cet homme qu’elle a épousé quelques années plus tôt, ce fonceur qui a toujours une longueur d’avance, qui lit les journaux économiques jusqu’à pas d’heure et qui voit des opportunités là où les autres ne voient que des risques.
— Et si personne n’en veut, de ton sol souple ? — Alors on aura perdu l’atelier. Et il faudra recommencer.
— Recommencer avec quoi ?
— …
Marcel déroule un mètre de lino sur le sol. Le motif imite le carrelage, presque à la perfection. Il tape du pied dessus.
— Écoute. Pas de bruit. Regarde. Pas de joint. Touche. Chaud au pied. Il relève les yeux vers elle.
— Dans dix ans, tous les logements en auront. Ceux qui seront positionnés les premiers ramasseront tout le marché.
Germaine se lève, fait le tour du rouleau une dernière fois.
— C’est vraiment moche, cette couleur.
— On en a en vert aussi. Et en bleu.
— Le bleu sera plus facile à vendre.
Marcel la regarde. Un sourire lent se dessine sur son visage.
— Tu es d’accord ?
— Je n’ai jamais dit ça. Elle attrape son manteau. Mais si on se lance, on le fait bien.
En trois mois, Marcel Calus devient le spécialiste du revêtement souple à Laval. En un an, il ouvre au Mans. En deux ans, Rennes et Alençon suivent. Les professionnels se ruent sur ses produits. Les particuliers découvrent qu’on peut transformer un appartement en un week-end.
Ce que Marcel ne sait pas encore, c’est qu’en 1970, il flairera une nouvelle opportunité : la rénovation des logements sociaux.
Que la crise du pétrole de 1973 le positionnera sur la rénovation énergétique.
Que peu à peu, par rachats successifs, l’entreprise de revêtements de sols deviendra un groupe généraliste du bâtiment.
Il ne sait pas qu’en 1992, son fils Pascal reprendra les rênes et fera passer le chiffre d’affaires de 60 à 115 millions d’euros. Que les petits-enfants rejoindront l’aventure. Il ne sait pas que le groupe traversera des crises, des cycles, des tempêtes. Mais qu’il tiendra bon.
Parce qu’Marcel aura posé ce jour-là quelque chose de plus solide qu’un sol souple.
Une capacité à flairer les marchés. À prendre des risques. À foncer quand les autres hésitent.
🕰️ 8 séances – 178 pages – en cours d’écriture en 2025 Roman d’entreprise – Transmission de génération en génération
J. - Vous reprendrez bien un peu de betterave ?
L’histoire d’une femme qui accueille un invité en avance. Cet invité s’appelle Cancer.
“Écrire aujourd’hui pour dire ce que je n’ai pas su dire hier. Parce qu’au bout du compte, la vérité, même douloureuse, est toujours plus légère à porter qu’un mensonge.”
Extrait - Vous reprendrez bien un peu de betterave ?
– Votre truc là, c’est une grosse merde.
Cru, mais honnête. C’est pour ça que j’apprécie ce radiologue. Il ne prend pas de pincettes. Depuis sept ans, il me palpe les nibards, alors s’il y a bien une personne dont j’allais écouter les avertissements, c’était lui. Quand il m’a regardée avec ce sérieux inhabituel, j’ai su. Avant même qu’il ouvre la bouche.
On était en novembre 2022. Il faisait gris, bien sûr. Le genre de journée parfaite pour apprendre qu’on a une tumeur. Le mot m’a glissé dessus sans s’infiltrer tout de suite. J’avais senti la boule sur mon sein droit quelques mois plus tôt, au printemps. J’avais pensé à un kyste. Ou un abcès. Rien de méchant. J’ai l’habitude, moi. Je suis une sorte de musée vivant des anomalies médicales. Kystes, fibromes, adénofibromes… je pourrais faire une collection, les exposer dans des bocaux avec des étiquettes joliment calligraphiées.
La première fois qu’on m’a opérée d’un sein, j’avais trois semaines. Trois semaines ! Une sorte de cadeau de bienvenue dans la vie, comme un avant-goût de ce qui m’attendait. Depuis, j’ai l’impression que mon corps tire au sort les ennuis de santé. Et c’est toujours mon nom qui sort. Comme si j’étais pile sous l’entonnoir des galères médicales.
1 séance flash d’1h30 – 43 pages – imprimé en 2024
Biographie romancée – Récit d’une épreuve
G.Ribaud - Un toit sur nos têtes (provisoire)
Le récit d’un artisan qui transmet son affaire de père en fils. 90 ans plus tard, la quatrième génération familiale est toujours à l’oeuvre.
Extrait - Un toit sur nos têtes
Printemps 1935 – Sainte Pazanne
Gustave Ribaud grimpe sur le toit de la mairie. Trente-deux ans, des mains déjà abîmées par le zinc, et cette certitude que personne ne va lui faire de cadeau.
— Vous avez déjà fait ce genre de chantier ?
Le maire le regarde depuis le sol, les bras croisés. Méfiant. À Sainte-Pazanne, tout le monde connaît tout le monde. Et personne ne connaît Gustave Ribaud, couvreur.
— J’ai travaillé cinq ans à Nantes. Chez Moreau.
— Moreau fait de la couverture depuis quarante ans. Vous, vous venez d’arriver.
Gustave pose sa main sur une tuile descellée. Le toit de la mairie fuit depuis deux hivers. Trois couvreurs sont passés. Trois ont fait des rustines qui n’ont pas tenu.
— La différence, c’est que moi, je vais le faire bien.
— Tous disent ça.
— Tous ne font pas de la zinguerie.
Le maire fronce les sourcils.
— De quoi vous parlez ?
Gustave descend du toit, sort un papier froissé de sa poche. Un croquis dessiné la veille. Des mesures. Des calculs.
— Votre problème, ce n’est pas les tuiles. C’est l’évacuation. L’eau stagne dans la chêneau, elle s’infiltre, elle pourrit la charpente. Tant que vous ne refaites pas toute la zinguerie, vous aurez des fuites.
Le maire regarde le croquis.
— Combien ?
— Le double de ce que les autres vous ont demandé.
— Vous vous foutez de moi ?
— Non. Je vous dis la vérité. Vous voulez du provisoire qui tiendra six mois ? Prenez quelqu’un d’autre. Vous voulez du solide qui durera vingt ans ? Prenez-moi.
Le silence tombe entre eux. Au loin, Sainte-Pazanne vit sa vie de village. Des champs. Des fermes. Des gens qui travaillent dur et qui n’aiment pas jeter l’argent par les fenêtres.
— Et si votre travail ne tient pas ?
— Je reviens le refaire gratuitement.
Le maire tend la main.
— Marché conclu. Mais si vous me plantez, vous ne remettrez plus jamais un pied sur un toit de Sainte-Pazanne.
Julien serre la main. La main d’un homme qui sait ce qu’il risque.
Le chantier dure trois semaines. Julien travaille seul. Quinze heures par jour. Il arrache tout. Refait tout. La zinguerie, les chêneaux, les solins. Il pose les tuiles comme si c’était pour sa propre maison.
Le soir, il rentre chez lui avec des mains en sang et cette peur au ventre que tout s’écroule. Parce qu’il a tout misé sur ce chantier. Parce qu’à Sainte-Pazanne, si vous ratez votre coup, c’est fini. Parce qu’il a trois fils à nourrir – Paul, Christian, Julien – et une femme qui lui fait confiance mais qui commence à compter les jours.
— Ça va tenir ? lui demande-t-elle un soir.
— Ça va tenir.
— Tu en es sûr ?
Il ne répond pas. Parce que personne n’est jamais sûr. Parce qu’il a beau avoir travaillé cinq ans chez Moreau, c’est la première fois qu’il fait un chantier seul. Sous son nom. Avec sa réputation en jeu.
Le premier orage arrive deux semaines après la fin des travaux. Une tempête comme on n’en a pas vu depuis des années. Le vent arrache des tuiles partout dans le village. La pluie tombe pendant trois jours.
Gustave ne dort pas. Il imagine le toit de la mairie qui fuit. Le maire qui vient le chercher. La honte. La fin.
Le quatrième jour, le maire vient le voir.
— Votre toit.
— Oui ?
— Il n’a pas bougé. Pas une goutte dans la mairie. Pas une tuile de descellée.
Gustave sent quelque chose se dénouer dans sa poitrine.
— Tant mieux.
— Tant mieux ? C’est tout ce que vous trouvez à dire ?
— C’est mon métier. Faire des toits qui tiennent.
Le maire sourit. Pour la première fois.
— Le curé veut refaire l’église. Je lui ai donné votre nom.
Après l’église, ce sera la ferme des Blanchard. Puis la maison des Pineau. Puis le hangar de la coopérative. Bouche-à-oreille. Un chantier mène à un autre. Gustave embauche. Forme. Transmet.
Ce que Gustave ne sait pas encore, c’est que ses trois fils le rejoindront dans l’entreprise. Que Paul prendra la suite et embauchera ses frères. Que Christian reprendra après lui. Que Patrick, puis Antoine, perpétueront l’aventure. Que quatre générations de Ribaud poseront des toits à Sainte-Pazanne et dans toute la région.
Il ne sait pas qu’en 2025, l’entreprise fêtera ses 90 ans. Qu’elle sera la plus ancienne encore en activité de la commune. Que des centaines de toits porteront la signature Ribaud.
Il sait juste qu’il vient de décrocher son premier chantier. Que le toit de la mairie a tenu. Que maintenant, il faut tenir aussi. Chantier après chantier. Toit après toit.
Ce soir-là, dans la petite maison qui sent encore le plâtre frais, Gustave regarde ses trois fils jouer dans la cour. Paul a sept ans. Christian cinq. Julien trois.
— Un jour, ils feront quoi ? demande sa femme.
Gustave hausse les épaules.
— Ce qu’ils voudront.
— Pas couvreur ?
— Peut-être. Si le métier leur plaît. Si l’entreprise tient.
— Elle va tenir.
🕰️ 6 séances – 155 pages – en cours d’écriture en 2025 Roman d’entreprise – Transmission de génération en génération
Sébastien - Qué onda wey ?
Le roman d’une année d’échange universitaire au Mexique. 13 ans plus tard, S. et ses potes se replongent dans une année où l’aventure et l’inconscience portaient le même T-shirt.
Extrait - Qué onda wey ?
Une hôtesse au sol m’avait collé un passager bonus. Enfin, à nous tous. Un étudiant chinois, muet comme une carpe. Pas un mot de français. Ni d’anglais. Ni d’espagnol. Rien que des grognements et un sourire niais. On aurait dit un poussin orphelin collé à nos baskets. Et surtout, il avait ce tic dégueulasse : il crachait. Pas discrètement, genre petit mollard discret dans un mouchoir, non. Monsieur déposait, à intervalles réguliers, de véritables huîtres glissantes sur le carrelage des couloirs de Roissy-Charles de Gaulle, comme s’il semait des balises pour retrouver son chemin. J’ai jeté un œil à mes potes, le dégoût était partagé. Et je me suis dit, soulagé, heureusement qu’on part au Mexique, pas à Pékin.
Si je me retrouvais ce jour-là à l’aéroport, avec ma valise de la Foir’Fouille qui faisait semblant d’être taillée pour le voyage et mes jambes qui trépignaient d’impatience, c’était pour une première fois historique dans ma petite existence de provincial : traverser l’Atlantique.
(…)
Le 25 au matin, réveil à l’aube avec l’objectif précis de rejoindre Belize City avant la fin de l’après-midi pour choper le dernier bateau vers Caye Caulker, notre île promise. Une fois la frontière franchie à pied, deux options s’offraient à nous. Attendre un bus bondé, ou… tenter l’aventure. Devine ce qu’on a choisi ?
Un gars du coin, la cinquantaine rieuse et l’œil un peu fêlé, nous propose de nous embarquer dans son minivan. L’engin avait autant vécu que lui. Avant de démarrer, il prévient :
— Faut juste que je passe chercher ma femme… mon gosse… et un pote. Ça leur fera une sortie.
Le pote, parlons-en… Bourré comme une cantine. Il roulait au sol en riant tout seul, un sketch permanent. Le périple qui a suivi est digne d’un épisode inédit de Benny Hill. On en riait à s’en décrocher la mâchoire tant les événements s’enchaînaient comme dans un mauvais film.
Évidemment, le destin a décidé de balancer sa vanne lui aussi. En plein milieu de nulle part : Boum. Une roue du minivan explose. Arrêt net sur le bas-côté. Le chauffeur descend en sifflotant, imperturbable. Le pote bourré, lui, s’improvise mécano. Une catastrophe hilarante. Il tournait autour de la bagnole en chantant, le cric à l’envers, les bras levés comme s’il bénissait le pneu. On se tordait de rire, entre deux coups de stress à l’idée de rater le bateau.
Puis mobilisation générale, une véritable équipe de Formule 1 low cost s’est mise en place. Et contre toute attente, on a réussi. Arrivés à l’embarcadère avec de l’avance, cradingues, affamés, mais soulagés.
À l’embarcadère, on s’est jeté sur des sandwichs à la viande dans une échoppe douteuse. Pain rassis, garniture suspecte, mais pas le temps de chipoter. Il fallait manger, vite. On avale. On embarque. Et quelques heures plus tard, la récompense apparaissait à l’horizon.
L’île de Caye Caulker. Une perle des Caraïbes.
9 séances – 220 pages – imprimé en 2025
Biographie romancée – Interlocuteurs multiples
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Sébastien Perron - Ceci n'est pas une crise
Mon histoire. Ce sont mes premiers coups de crayon qui m’ont donné envie de devenir biographe.
“Ce livre, je ne l’ai pas écrit pour tuer le temps. Je me suis lancé un défi, en solitaire, en pleine tempête de doutes post-reconversion : si tu veux raconter la vie des autres, commence par la tienne.”
Extrait - Ceci n'est pas une crise
Melrand. Rien que le nom sent la pluie fine et les routes pleines de terre. C’est là que j’ai grandi. Un petit point sur la carte de Bretagne, perdu entre deux virages, où les nuages jouent au bras de fer avec le soleil. À peine 1600 habitants, même les recenseurs s’ennuient à venir y faire un tour. Avant, paraît-il, on était plus nombreux. Dans le temps glorieux des marchands et des voyageurs, quand Melrand faisait le lien entre Guéméné et Baud, Pontivy et Lorient. Les artisans du bois taillaient des meubles qui finissaient à l’autre bout de la région, et le Blavet, cette grande langue d’eau, charrait les marchandises en silence, avant que les rails ne viennent tout foutre en l’air. Mais moi, dans les années 90, quand mes parents ont débarqué à Melrand, tout ça, je m’en foutais pas mal. J’avais deux ans, et l’histoire locale, je la laissais aux anciens. J’avais des trésors bien plus intéressants à explorer : les rues du bourg, les cachettes dans les bois, et les chemins boueux qui menaient toujours quelque part. L’histoire, ça viendrait plus tard.
(…)
Quand la sonnette a retenti en pleine nuit, j’ai su. Ce n’était pas un pressentiment ni une peur vague. C’était un coup de masse, net, silencieux. Le genre de réveil dont on ne se rendort jamais. 14 janvier 2002. Quatre heures du matin. J’ai dix ans, je suis en pyjama, les pieds-nus sur le carrelage du couloir. Le maire est là, planté sur le pas de la porte, il parle à ma mère, tout bas. Elle s’effondre. Et moi, sans qu’on ait besoin de me dire un mot, je comprends : papa ne rentrera pas. Plus jamais.
🕰️ 226 pages – imprimé en 2024 Biographie romancée – Mon histoire
Retrouvez mon livre ICI
Ce que disent mes narrateurs
Super ! Merci de m’avoir aidé à raconter ma vie avec ce livre. Mes petits enfants ont été étonnés de découvrir certains passages.
Une rencontre fortuite et inespérée,pour moi ,qui ne savait pas comment mettre sur papier l’épreuve de vie que je traverse.Grace a Sébastien j ai pu me réapproprier mon histoire et en garder une trace indélébile ailleurs que dans ma tête déjà bien encombrée.Merci à lui d’avoir su si bien en parler après m’avoir longuement écoutée…
J’ai adoré ta biographie faite sur ma grand-mère : si vrai, si juste, tu as donné un aperçu de ce que tu sais faire : capturer l’essence des choses, même les plus sérieuses, avec une plume qui fait sourire sans jamais trahir la profondeur. Je te souhaite que ce talent trouve toute sa place dans les pages à venir …
Sébastien a suivi la formation Devenir biographe et j’ai pu apprécier, tout au long du parcours, la haute qualité sa plume et sa capacité à s’adapter à différents narrateurs et narratrices. Il a l’art de trouver le mot juste et l’image qui fait mouche, et sait donner à un récit de vie toute sa force et sa subtilité. J’ai toute confiance en son professionnalisme et recommande vivement ses services !
À votre tour ?
